Largement relayé et commenté par la presse, le dernier lancement d’Orange voit son impact encore augmenté par le nom de l’offre, Sosh, qui pose de manière concrète la question de la disponibilité des marques et de leur extension sur Internet.

Avec le lancement de sa nouvelle offre mobile sans engagement à destination des jeunes, uniquement commercialisée sur Internet, Orange prend l’offensive et anticipe l’arrivée de Free sur le secteur de la téléphonie mobile. L’opérateur surprend avec un nom à consonance anglaise, dont la légitimité stratégique n’apparaît qu’après analyse, et dont la disponibilité reste à démontrer.

Cibler l’offre

Mais d’ou vient ce nom ? A première vue, on ne détecte à SOSH aucune origine latine, ni grecque.  Le « cluster » sh appartient à la graphie anglaise, sans rien évoquer de particulier. Et on pourrait en conclure qu’Orange nous livre une marque de fantaisie, une combinaison de lettres aléatoire ou pas, plaisante à regarder, amusante à prononcer, avec son allitération en S de nature à favoriser la mémorisation.

Renseignements pris, SOSH vient de social. C’est la troncature de l’adjectif « social », dans sa prononciation anglaise. A l’heure des réseaux sociaux, devenus le premier outil de communication des jeunes, Orange se dote d’une offre qui leur est dédiée. Et, pour la nommer, se sert d’une apocope, terme linguistique qui désigne la suppression de lettre ou de syllabe en fin de mot. Cette pratique, répandue chez les jeunes générations, cible parfaitement l’offre et l’assoit stratégiquement.

Short is more

L’apocope, dans le domaine des marques, a largement fait la preuve de son intérêt. Au milieu du siècle dernier, Marcel Bleustein-Blanchet innovait en suggérant à son client « Les Bas Dimanche », de raccourcir son nom, donnant naissance à la marque mythique de bas et collants Dim. Bruno Belamich et Carlos Rosillo s’y sont pris de la même façon pour créer leur marque. En 1992, ces deux entrepreneurs français ont tout simplement raccourci leur deux patronymes pour donner naissance à une entreprise de montre de luxe, dont le nom évoque le Royaume-Uni et sa longue tradition de savoir faire, et nous livrer par la même occasion un bel exemple d’apocope réussi : Bell & Ross. Qui n’a pas imaginé derrière ce nom une marque anglo-saxonne, fondée par un Mr Bell et une Mrs Ross (à moins que ce ne soit une Mrs Bell et un Mr Ross…) il y a plusieurs décennies ?

Un cercle très fermé

Aujourd’hui, Orange s’essaie à l’exercice de l’apocope, et le réussit. Synthétique, monosyllabique, composé de quatre lettres seulement, SOSH rejoint le cercle très prisé des noms courts à fort impact, comme Nike, Sony, Coke, Ikea, Mir, Mixa, Mars, qui font rêver les marketeurs. Ces noms-là sont rarissimes et il devient de plus en plus difficile d’en générer de nouveaux, compte tenu de l’encombrement.

En effet, du côté des marques, en anglais, la langue qui prédomine aujourd’hui dans les échanges, ils sont déjà presque tous exploités. Et du côté d’Internet, qui compte près de 100 millions de noms de dotcoms et enregistre pas loin de 100.000 nouveaux dépôts par jour, toutes les combinaisons de 4 ou 5 lettres possibles ou presque, et les 80000 mots du lexique anglais, surtout s’ils sont usuels et courts, sont déjà bloqués, en site actif ou en site-parking.

Dispo ou pas ?

C’est précisément le cas, et on peut s’en étonner, de sosh.com. Le dépôt remonte à 1996, et il est exploité par un réseau social américain. Comment Orange a-t-il pu se contenter d’un nom qui ne peut donner lieu qu’à un site français,  avec sosh.fr, et, accepter, s’ils veulent déployer l’offre à l’international, de se confronter au problème de nombreuses extensions déjà bloquées, notamment l’anglaise sosh.co.uk et l’européenne sosh.eu pour n’en citer que deux.

La base de l’INPI nous apprend par ailleurs que la Société Orange Brand Services Limited, par une action en date du 4 août 2011, a déposé la marque SOSHISSIME dans les classes 35 et 38. Mais que la marque SOSH a pour sa part été déposée deux mois plus tôt, notamment dans ces classes, par la société Konbini. Quelles explications peut-on donner à ces deux dépôts rapprochés, et au fait qu’Orange ne soit propriétaire, à ce jour, et si l’on s’en réfère aux indications de l’INPI, que de la seule marque SOSHISSIME?

Gaëlle Loinger-Benamran, Conseil en Propriété Intellectuelle, et co-fondatrice du cabinet Partenaires PI, donne son éclairage : « Il faut en fait aller vérifier l’information sur la base de données des marques communautaires, l’Office Communautaire des Marques.

La base marques de l’INPI donne accès aux marques nationales françaises, aux marques communautaires et aux marques internationales.

Mais, s’agissant des marques communautaires et des marques internationales, les informations figurant sur la base de l’INPI ne sont pas forcément présentées de la même manière que sur la base de l’OHMI. Dans ce cas précis, on se rend compte grâce aux informations de l’OHMI que la marque SOSH a bien été déposée par la société Konbini mais qu’elle a été cédée très rapidement à la société Orange Brand Services Limited. Je pense, et c’est assez classique, que la société Konbini travaille pour Orange, apparemment pour sa communication, et qu’elle a déposé la marque à son nom dans un premier temps, probablement pour garder le projet confidentiel avant un lancement officiel de l’offre ».

Nous voilà rassurées ! Nous disons bravo à Konbini qui est à l’origine de SOSH, et souhaitons beaucoup de succès à la nouvelle offre d’Orange et à son si joli nom.

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