Le choix du nom des nouvelles régions :
un débat inutile

Les régions ont trouvé leurs présidents, mais elles cherchent toujours leur nom. Le sujet fait débat car il touche à des questions identitaires. Et si la solution était ailleurs ?

Le passage de 22 à 13 régions pose la question du nom à donner à ces nouvelles entités. Or, qu’il s’agisse d’imaginer le nom d’une entreprise, d’un produit, d’un événement, d’une pratique, d’un concept nouveaux – ou ici d’une « super-région » inédite – la démarche est la même. La recherche du nom le plus pertinent passe par une réflexion préalable sur l’identité réelle de ce qui est à nommer, sur le contexte dans lequel s’inscrit cette nouveauté et sur les objectifs qui lui sont fixés.

Qu’en est-il en l’espèce ? L’identité de ces nouvelles régions, moins nombreuses et géographiquement plus étendues que leurs devancières, est purement administrative. Le contexte dans lequel s’inscrivent ces treize nouvelles venues est celui d’une France déjà découpée, au fil d’une histoire de plusieurs siècles, en trois grandes entités territoriales : les communes, les départements et les régions. Et l’objectif, la « raison d’être » de la création de « super-régions » – dont il ne s’agit pas ici de discuter du bien-fondé – se résume à une volonté d’optimisation de la gestion de cet échelon du découpage.

Or, celles et ceux qui revendiquent une identité auvergnate, alsacienne, basque, bretonne ou « ch’ti » partagent la culture, les traditions, les fêtes, les valeurs, l’accent, les contes et légendes, ou encore les recettes de cuisine de leur région de cœur. Ils savent aussi, le cas échéant, exprimer en quoi ils se sentent français, européens, marseillais, parisiens, ou d’abord citoyens du monde. Mais il est inconcevable qu’un président de la super-région PACA se déclare demain ouvertement « pacaïen » ou que la super-région Champagne-Ardennes-Alsace-Lorraine – qu’Hervé Féron, député de Meurthe-et-Moselle, a ironiquement proposé de baptiser « Chamalo » (CHAM pour Champagne, A pour Alsace, LO pour Lorraine) – génère la moindre super-identité régionale commune chez ses ressortissants par la seule magie d’un nom soi-disant fédérateur qu’on lui attribuerait.

Un nom est la première expression d’une identité. Il ne peut ni la créer artificiellement, ni encore moins substituer une identité factice à une identité séculaire.

En l’occurrence, nommer les super-régions reviendrait à vouloir créer des identités nouvelles, qui n’existent pas, et qui viendraient s’opposer, voire se substituer à des identités fortement établies. C’est en cela que le bât blesse, que les débats sont vifs et que les avis sont partagés.

En fait, ces débats et ces questionnements autour du nom des 13 super-régions sont sans objet. Pire même, ils sont générateurs de frustrations, de confusions, d’oppositions et de déceptions, quand il serait si simple de juste distinguer ces régions nouvelles les unes par rapport aux autres sur des critères purement géographiques. Ne pas nommer (au sens identitaire), mais distinguer (les unes des autres), selon une règle commune à toutes.

Cela donnerait, par exemple, le Grand Nord (Nord-Pas-de-Calais, Picardie), le Grand-Est (Champagne, Ardenne, Alsace, Lorraine), la Région Est (Bourgogne, Franche-Comté) et la région Centre-Alpes (Rhône-Alpes, Auvergne).

La région PACA (Provence-Alpes, Côte d’Azur) pourrait être renommée la région Sud-Est ou encore le Grand-Sud , aux côtés des régions Sud-Pyrénées (Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon), et Sud-Ouest ou Atlantique (Poitou-Charentes, Aquitaine, Limousin).

Nous pourrions sur le même principe avoir une région Grand-Ouest (Bretagne), aux côtés de la région Nord-Ouest ou Normandie (Haute-Normandie et Basse-Normandie), les Pays de la Loire, l’Ile-de-France, le Centre et la Corse restant inchangés.

C’est une logique de nommage qui présente l’avantage d’être cohérente et de supprimer les débats stériles.

« A mal nommer les choses on ajoute à la misère du monde », disait Albert Camus.

Ces super-régions ayant été créées pour générer des économies de gestion, il y a sans doute mieux à faire que de perdre du temps, de l’argent et de l’énergie à leur chercher désespérément un nom identitaire, bien trop lourd à porter pour ce qu’elles représentent.

– Delphine Parlier
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